EXPLORATEUR MUSICAL EN AFRIQUE

MUSICAL EXPLORERS IN AFRICA

From Actuel, December 1981, by Frederic Joignot and JeanPierre Lentin, sourced by Juan German; translated, typed and supplied by Richard Joly. This is the second of two articles; we hope to have the first one in the archive in a while.

Nous les avions rencontrés ensemble et nous les avions présentés ensemble. Brian Eno, Jon Hassell, David Byrne. L'étrange alliance de l'avantgarde artistique, du rock cérébral des années soixantedix et de l'aprèspunk instable et nerveux. Jon Hassell, compositeur visionnaire de quarante ans. Eno, trentedeux ans, acrobate du son et des élucubrations futuristes. David Byrne, vingthuit ans, chanteur inquiet et dérangeant des Talking Heads. Ils cherchaient la fusion entre les souffles de l'Afrique et de la technologie électronique, entre les rythmes telluriques et la puissance des amplis, entre l'improvisation et la discipline. Leur recherche flattait notre volonté de rencontre et d'éclectisme. Marier l'énergie des primitifs et les collagesmixages des futuristes, violer l'avantgarde et canaliser l'Afrique. Tout le monde s'y retrouvait.

En octobre 1980, David Byrne et Eno devaient partir ensemble au Nigeria.

Un an après, les revoilà. Leurs trajectoires divergent. Jon Hassell prend ses distances et poursuit son œuvre d'ermite méticuleux. David Byrne produit le nouveau disque des B52's, renifle du côté de l'avantgarde et n'a toujours pas été en Afrique. Seul Eno s'est frotté en personne au continent noir : il a enregistre un groupe d'afrorock à Accra, au Ghana.

Fin 1980, un producteur ghanéen tombe par hasard sur le numéro 12 d'Actuel où Eno expliquait ses obsessions africaines. Il le prend au mot et l'invite à réaliser un disque avec son meilleur groupe, Edikanfo. Ça tombait pile. Depuis des semaines Eno se renseignait sur l'Afrique. Il hésitait entre les grandes métropoles, le Nigeria de Fela, le Zaïre qui a longtemps régné sur la musique africaine, le Cameroun inventif mais un peu endormi...

Juillet 1981, Eno débarque au Ghana, au cœur de l'Afrique anglophone, le pays qui bricola dans les années quarante la première musique moderne africaine, la highlife, le mélange du jazz, de la rumba et des tambours tribaux.

Faycal Helawi, le producteur, s'enfonce dans son fauteuil moelleux et gobe une lychee avec une moue voluptueuse. Il a un petit côté Néron, grassouillet, sensuel et inquiétant. Une dizaine de jeunes chiens traînent toujours derrière lui. Ils grondent, ils se battent et de temps à autre Faycal leur crie Kill, kill . A part Ça, c'est un homme charmant.

Ce Libanais de trentecinq ans a toujours vécu à Accra et se dit Africain. Mais il garde le goût des grands repas arabes, courgettes farcies, grillades d'agneau et fruits chinois pour le dessert. Dans tout l'Afrique de l'Ouest les Libanais contrôlent le commerce et font tourner l'importexport. Alors je m'amuse un peu quand il me harangue pendant une heure sur le pillage culturel.

Tous les rythmes de funk viennent d'ici. Vous voulez des preuves ?

Il me fait écouter un vieux 45 tours vert sans étiquette ni nom de groupe. Un funk ultragai démarre.

Des Ghanéens ! Depuis des années cinquante, des dizaines d'enquêteurs ont débarqué avec des magnétophones, ils ont tout enregistré pour les grosses boîtes, Phonogram, Decca, en achetant les musiciens pour une bouchée de pain. Voilà comment on s'engraisse sur notre dos.

Et Eno ?

Faycal soupire et gobe une nouvelle lychee.

Je trouve Ça incroyable. Monsieur Eno passe ici et tout le monde vient prendre de ses nouvelles. Mai Eno est venu chez nous pour apprendre. Il a aidé à enregistrer le disque d'un de mes groupes, dans mon studio, rien de plus.

Luimême n'a pas joué ?

Très peu. De temps en temps il se mettait à la guitare pour soutenir la rythmique.

Il n'est pas venu que pour Ça.

Non. Il nous a aidés à utiliser toutes les possibilités du studio. C'est un ingénieur de première force. Tous les musiciens vous le diront.

C'est un musicien aussi.

Je vous dis que nous avons enregistré un disque de mon groupe, Edikanfo.

On peut l'écouter ?

Vous n'avez pas de magnéto caché j'espère...

J'ai le droit à un seul morceau. Assez proche de Fela, un grand orchestre qui mugit, des percussions frénétiques, des coups de trompettes déchirants.

Où est Eno làdedans ?

Les arrangements, les effets d'écho et de résonance. Mais écoutez un peu comment on fait du rock ici. Pardessus la batterie, on ajoute des percussions. Vous entendez les congas ? Ça frappe dur. C'est l'African Rock. Quelle dommage, nous n'avons aucun moyen. Les puppets, les marionnettes des grosses boîtes qui passent leur temps en costume, sous les ventilateurs, n'investissent que dans le disco, le funk, les salades commerciales. Les groupes ici sont obligés de ressasser.

Au Ghana, nous n'avons même pas d'usine de pressage. Il faut aller au Nigeria. Là, il y a des compagnies africaines. Mais vous connaissez l'histoire de Fela. Un jour il a piqué des livres de comptes de Decca et il a découvert qu'il avait vendu cent mille disques et qu'il était volé.

Faycal a lancé en 1972 le premier club d'Accra, le Napoléon. La jeunesse de la ville a déboulé. Deux ans plus tard, Faycal ouvrait un studio huit pistes, le premier studio indépendant du Ghana. Tous les groupes du pays passaient chez lui. Et l'heure du triomphe : Fela et sa tribu sont venus enregistrer chez lui leur disque Black President.

Donnezmoi les moyens et vous allez voir, s'énerve Faycal. Des dizaines de groupes ghanéens n'attendent qu'une chose : utiliser le matériel des studios modernes. Comment voulezvous saisir vingtcinq percussions avec un huit pistes ? Laisseznous nous habituer à la technique, Ça va faire des étincelles !

Tzing ! Un coup de cymbale et un gros bonhomme grimpe sur scène en claquant des doigts. Tout l'orchestre éclate de rire. Ça se passe au Réservoir, une des vingt boîtes live d'Accra. Le poussah souffle quelques notes suraiguës dans une flûte traversière. C'est le ministre ghanéen du pétrole.

Léger comme un jeunot, le ministre saute, hurle Padapapa ! Papa ! et part dans une longue tirade. La batterie le suit, tranquille, puis s'énerve. Un type en chapeau mou se jette sur les percussions. Dans la salle la petite foule se lève et se balance des coups de coudes. Entraîné par la frénésie, je commence à boxer le bar. Small, mon copain et guide dans Accra la folle, me tend un petit joint d'herbe pure en gloussant de rire.

Le ministre joue ici tous les dimanches. Mitterrand, il fait pareil chez vous ?

La moitié des musiciens fait partie du groupe qui a enregistré avec Eno. Ce soir ils joueront du jazz , ils improvisent, c'est la folie, la rigolade. Demain ils joueront du reggae ou du disco dans une boîte ou un dancing en plein air. Accra ne roupille pas après minuit. Le weekend, on peut trouver une bonne cinquantaine d'endroits pour guincher. Sans compter les carrefours et les courées d'immeubles ou trois congas peuvent rameuter un quartier. Ce n'est pas Abidjan, ni Lagos, les grandes capitales de l'Afrique de l'Ouest, mais Accra a aussi ses nuits chaudes et ses petits matins épuisés.

Oseï Tutu, le trompettiste, me raconte les semaines passées avec Eno.

Oooooh ! On n'a jamais autant travaillé ! On était tous les jours au studio, le matin et l'aprèsmidi ! Il a fait jouer à chaque musicien des solos et des improvisations de percussion. Et puis il nous a fait ralentir les tempos, décomposer les rythmes, ralentir encore. Il cherchait à comprendre les rythmes et il avait du mal. Au bout d'une semaine, il a découvert l'ompé, la pulsation élémentaire.

Oseï frappe dans ses mains un rythme lent, à trois temps, avec une légère accélération au milieu.

C'est ce rythmelà qui lui a plu pardessus tout. Tap ! Tap ! Tap ! Il l'a écouté pendant des heures entières. Tap ! Tap ! Tap !

Pourquoi celuilà ?

Je ne sais pas. C'est le rythme le plus simple. Ici, tout le monde le connaît, il accompagne les chants d'amour. Eno était un peu affolé par les rythmes rapides. Il les trouvait trop africains. L'ompé, il appelait Ça le rythme open, ouvert.

Je crois avoir compris. J'imagine Eno décomposant les rythmes comme un physicien fou casse le noyau d'un atome pour débusquer les quarks et les gluons, les particules primordiales qui permettent de tout recombiner.

C'est plus fort que lui, il faut qu'Eno tripote. Dans un rythme africain on ne peut rien glisser entre dix percussions enchevêtrées. La machine tourne sur ellemême. Eno voulait entrer à tout prix. Le rythme open, enfin, se laisse manipuler. Eno y greffe un coup d'écho, un battement en plus, un accord de guitare, une mélodie imprévue... Eno croit au vertu de la fission musicale, à l'explosion des formes. Faire craquer les molécules rythmiques pour engendrer une nouvelle chimie.

Il est repartie content. Les musiciens ghanéens se sont longuement interrogés. Cette histoire de rythmes open leur court sous le ciboulot. Estce que ce germe va lever ? Tout le monde dit que la musique africaine va un jour déferler sur le monde occidental. Ce serait justice, quand on pense à ce que les musiques populaires modernes doivent à l'Afrique. Mais il manque les quelques nuances qui la feront basculer hors d'un univers clos. Comme pour le reggae qui a appris à se servir de l'électronique.

New York, septembre 1981.

Allô, je voudrais parler a Brian Eno.

A qui ? C'est une erreur.

Mais non, il habitait ici l'année dernière... Il a laissé son numéro de téléphone ?

Non. A mon avis, il se planque, votre copain.

J'appelle David Byrne. Il n'a pas le numéro. Je n'ai pas vu Brian depuis des mois.

Chez Jon Hassell, même histoire : Eno est dans une de ses phases incommunicado. Plus d'interviews, plus de dispersion. C'est comme Ça à chaque fois qu'il travaille sur sa musique.

Tant pis. Et peu importe. J'ai l'impression que pour Eno, l'épisode africain est clos. Il a gambergé, il s'est fabriqué des bouts d'Afrique dans son studio américain, puis il a fait le grand plongeon làbas et maintenant il passe à autre chose. Dans quelques années, peutêtre la démangeaison africaine lui reviendra. Il réfléchira à tout Ça et inventera de nouveaux angles d'attaque.

Etrange comme les trois primitifs futuristes ont dérivé vers des caps différents, très vite, en une année. Typique du genre de rencontres qu'aime susciter Eno. Un choc de contraires, intense et bref, qui modifie la trajectoire de chacun. Et ensuite bon vent.

Dix heures du soir. David Byrne sonne a ma porte et d'un coup il se renfrogne. Il contemple mon souk lits défaits, valises ouvertes, cassettes, bouquins, cendriers engorgés, vodka... Cette moitié d'appartement a servi pendant tout l'été de Q.G. newyorkais à plusieurs journalistes d'Actuel. Soudain, j'ai un peu honte. Et puis merde!

Arrête de faire cette têtelà. Pense à ta piaule avant que tu deviennes rock star. David lâche un petit rire sec et ne répond rien. Pas le roi des causeurs. Mais il nous aime bien puisque, justement, nous le baratinons, nous l'amusons, nous le soûlons d'informations. Byrne s'imbibe comme une éponge. Ensuite il filtre.

Depuis un an, il est devenu encore plus courtois, distant et astiqué. La coupe de cheveux au millimètre, l'ongle manucuré, la flanelle gris perle sans un faux pli. Avec lui, une petite brune en tailleur noir se tient en retrait, l'air revêche.

Allez, ne vous inquiétez pas, on ne reste pas ici, on va dîner chez des amis, dans un grand loft blanc bien briqué.

Làbas, Ça va mieux. David ne voulait pas manger et puis il se laisse tenter par le riz créole et le vin.

Cet introverti presque maladif commence à sourire et à marmonner quelques phrases.

Hé non, je n'ai pas été en Afrique. Pas eu le temps. Trop de projets urgentes. Les B52's m'ont demandé de retravailler leur disque parce qu'ils tournaient en rond. Ils voulaient que je les noircisse et que je les funkise.

Et maintenant je compose une musique de ballet pour Twyla.

Il désigne du menton la fille en noir. Twyla Harp, une pionnière de l'avantgarde, une des huiles de la danse contemporaine en Amérique. Jusqu'ici, elle avait plutôt travaillé avec des compositeurs sérieux . Et j'ai bien l'impression que Byrne se prend chaque jour davantage pour un compositeur sérieux.

Je ne quitte plus mon studio. J'y suis du matin au soir, six jours par semaine. Il faut faire les choses à fond.

Et les Talking Heads, on a dit qu'ils allaient se séparer. Les autres avaient l'air furieux qu'on fasse tout un plat sur toi et Eno sans jamais les mentionner.

Nous ne nous sommes pas vus depuis six mois mais nous allons bientôt nous retrouver pour enregistrer. A mon avis, nous allons repartir dans une direction complètement différente.

Laquelle ?

Je n'en ai pas la moindre idée.

Qu'estce que tu écoutes ?

Des bruits.

Il glisse une cassette dans mon walkman : une heure et demie de coassements de grenouille. Il a enregistré Ça à Bali et la réécoute sans arrêt. Au bout de quelques minutes, ces bestioles semblent jouer une musique répétitive, imprévisible et hypnotique.

Pas de disques ? Pas de concerts ?

Je ne suis pas sorti depuis des mois. Je n'ai rien écouté. Il y a des trucs bien ?

J'essaie de l'entraîner voir le groupe de rock dont on cause à New York, Liquid Liquid, qui bricole avec quelques tambours des pulsations zigzaguantes, à la fois funk, vaudou, latines, africaines...

David et Twyla se débinent. Ils bossent tôt demain matin. Un compositeur sérieux évite de se disperser, il se concentre sur ses propres idées. Au risque de manquer d'air.

Blip ! Blip ! Blip ! Blip !

Ah, la poisse ! J'essaie de fixer un rendezvous au téléphone avec Jon Hassell et ma fenêtre ouverts dégueule un infect couinement électronique. Hassell ricane. Ho, c'est la fin du monde chez vous ?

Je ne sais pas, une espèce de sirène d'alarme qui a dû se coincer...

Ah, tant mieux. J'avais peur que ce ne soit le dernier tube punk newyorkais.

J'arrive chez lui en plein embouteillage de cinq heures. Effroyables, les bouchons sur une grande avenue à New York un jour d'été. Je suis en sueur, crasseux, j'ai les oreilles qui tintent.

Hassell m'ouvre et d'un coup je sens le calme des hautsplateaux tibétains. Plafond immense, murs de brique laqués de blanc, coussins au sol, percussions indiennes sur une natte. Un petit chien croque des carottes crues. Hassell sert du Perrier, du citron et des kiwis.

Vous voulez écouter l'épreuve du nouveau disque ? Surtout ne vous sentez pas obligé. Je ne vais pas me vexer...

Il a l'air de flotter sur un nuage de bonne humeur. A part Ça, tondu, les joues creusées, il ressemble plus que jamais à un bonze. Son disque ressemble aux précédents, il possède les mêmes vertus rafraîchissantes et désaltérantes que ce Fourth world qu'il a cosigné l'année dernière avec Eno. Les percussions clapotent, la mélodie s'insinue avec des grâces de chat siamois. L'air de la pièce devient plus léger et lumineux. Aucune autre musique au monde ne fait cet effet là.

Hassell me tend une liasse de photocopies.

Dream therory in Malaya : j'ai trouve cet article dans une revue d'ethnologie et j'en ai fait un disque. Chez les Senoi, dans l'île de Malaya, tous les matins, chacun raconte ses rêves et on en discute des heures comme si tout s'était réellement passé. Résultat, les Senoi sont les gens les plus détendus du monde ! Ecoute ces clapotis, ils ont été enregistrés à Malaya : une tribu se baigne dans une rivière et frappe l'eau du plat de la main, en cadence. J'ai découpé des fragments de ces percussions d'eau , je les ai montés en boucle et Ça donne la structure rythmique sur plusieurs morceaux. Tout le disque tourne autour de ces deux thèmes, les rêves et l'eau mouvante.

J'imagine un ballet d'elfes sur ce balancement incroyablement berceur. Je lui parle de David Byrne et de Twyla Harp.

David m'a invité au studio mais j'ai refusé. Je ne veux pas être considéré à vie comme le musicien de studio des Talking Heads. Et puis cette musique, c'est moi qui aurait dû la faire.

Pourquoi ?

C'est moi le compositeur ! J'ai été heureux de travailler un moment avec David et Eno mais, tout bien considéré, je n'ai rien à faire dans le rock. Je suis un compositeur classique. Et je crois avoir enfin trouvé la définition du classicisme : le traitement systématique d'un nombre restreint d'éléments... Ah, zut, ce que je peux être rasoir... Excusezmoi. Il faut m'arrêter. Tenez, quand j'ai su que vous veniez, j'ai rédigé vite fait ce laïus.

Je résume : Il y a de multiples manières de combiner les apports occidentaux et exotiques . On peut, juxtaposer, superposer, coller... J'ai choisi d'utiliser les textures musicales orientales ou africaines comme les figures d'un template ( un accessoire pour dessinateur, une plaquette de plastique criblée de fentes géométriques, demicercles, spirales ou courbes logarithmiques ). Le crayon suit exactement le tracé, de même que l'enregistrement reproduit exactement le fragment musical.

Mon travail consiste ensuite à croiser ces différentes structures. C'est une approche méthodique, un système pour créer un nouveau langage. Tandis que les compositeurs d'avantgarde se contentent d'importer et de ficeler un nouveau emballage. Et les musiciens pop épinglent à leurs murs des souvenirs touristiques.

Et toc pour David Byrne.

Un an après, le projet des primitifs futuristes se dessine beaucoup plus clairement. Deux extrêmes. Hassell travaille en vase clos, sur des spécimens de laboratoire, il forge des concepts rigoureux. Eno a des idées plus volatiles mais il les accroche tout de suit sur le terrain. Hassell respecte scrupuleusement les formes traditionnelles, il continu à apprendre en élève appliqué toutes les subtilités du raga indien. Eno contribue peutêtre à l'éclosion de nouvelles expressions en Afrique. Hassell travaille plutôt pour les Occidentaux. Il veut vivre en Europe.

L'Amérique est trop vide. J'ai envie de m'installer en France au début de l'année prochaine. Qu'estce que tu penses de Mitterrand ? Ce changement, c'est formidable, non ?

Et puis tu sais quoi ? Je suis éperdument amoureux. Mais la fille vit ici avec un autre homme. Il faut absolument que je l'emmène en France. En ce moment, je ne touche plus terre. De ma vie je n'ai jamais été aussi amoureux. Ça me donne une énergie monstrueuse. La fille, c'est une Chinoise, elle est née à New York, elle porte en elle les deux cultures, j'en reste complètement fasciné. Tu vas voir, je vais remuer des montagnes !


Par Frédéric Joignot et JeanPierre Lentin Paru dans ACTUEL , Décembre 1981

We had met them together and had presented them together. Brian Eno, Jon Hassell, David Byrne. The strange alliance of the artistic avantgarde, the cerebral rock'n'roll of the Seventies and unstable and nervous afterpunk. Jon Hassell, forty year old visionary composer. Eno, thirty-two years old, sound acrobat of futuristic wild imaginings. David Byrne, twenty-eight years old, anxious and disturbing singer of Talking Heads. They sought fusion between the breaths of Africa and electronic technology, between the telluric rates/rhythms and the power of the amplifiers, between improvisation and discipline. Their research flattered our will of mixture and eclecticism. To marry the energy of primitive and the collages and mixings of the futurists, to violate the avantgarde and to channel Africa. Everyone would have his fill.

In October 1980, David Byrne and Eno were to leave together for Nigeria.

One year afterwards, here they are. Their trajectories diverge. Jon Hassell maintains his distance and continues his oeuvre, meticulous hermit. David Byrne is producing a new disc for the B52s, goes slumming on the side of the avantgarde and still has not been to Africa. Only Eno was in person on the black continent: he recorded an afrorock'n'roll group in Accra, in Ghana.

At the end of 1980, a Ghanean producer falls by chance on Actuel issue # 12 where Eno explained his African obsessions. He takes Eno on his word and invites him to record a disc with his best group, Edikanfo. Right on target. For a few weeks Eno was gathering information about Africa. He was hesitating between the large metropolises, Fela's Nigeria, Zaire which reigned a long time on the African music, a little deadened inventive Cameroun but...

July 1981, Eno arrives in Ghana, in the heart of anglophone Africa, the country which arranged in the Forties the first African modern music, the highlife, the mixture of the jazz, the rumba and the tribal drums.

Faycal Helawi, the producer, is sitting in his marrowy armchair and swallows a lychee with a voluptuous pout. He has a small Neron side, sensual and worrysome. Ten young dogs always trail behind him. They thunder, they fight and at times Faycal shouts to them Kill, kill. Aside from this, he's a charming man.

This 35 year old Lebanese has always lived in Accra and thinks of himself as African. But he still keeps a taste for the great Arab meals, stuffed zucchinis, grilled lamb and chinese fruits for dessert. In all of West Africa it is the Lebanese who control the trade and importexport. I therefore have a little fun when he harangues me for over one hour on cultural plundering.

All the rhythms of funk come from here. You want evidence?

He makes me listen to a green old labelless nameless 45. An ultramerry funk starts.

These are Ghaneans! Since the Fifties, tens of investigators arrived with tape recorders, they recorded everything for the large companies Phonogram, Decca, by buying the musicians for a mouthful of bread. That's how they fattened themselves on our back.

And Eno?

Faycal sighs and swallows a new lychee.

I find that incredible. Mr Eno passes through here and everyone comes to hear news about him. But Eno came here amongt us to learn. He helped to record the disc of one of my groups, in my studio, nothing more.

Didn't he play himself?

Not much. From time to time he would strap on a guitar to support the rhythmic section.

He did not come only for that.

No. He helped us to use all the possibilities of the studio. He is an first-class engineer. All the musicians will tell you so.

He's a musician too.

I tell you that we recorded a disc of my group, Edikanfo.

Can we listen to it?

You do not have a hidden tape recorder I hope...

I am permitted to hear only one piece. Near enough to Fela, a full orchestra that roars, frantic percussion, blasts of tearing trumpets.

Where is Eno in all of this ?

Arrangements, echo and resonance effects. But listen a little how one makes rock'n'roll here. Over the drums, one adds percussion. You hear the congas? How hard they strike. This is African Rock. What a shame, we do not have the means. The puppets, the puppets of the large companies who spend their time in costume, under the ventilators, invest only in disco music, funk, the commercial salads. The groups here are obliged to resift.

In Ghana, we do not even have a pressing plant. We have to go to Nigeria. There, there are African companies. But you know the history of Fela. One day he stole accounts books at Decca and he discovered that he had sold a hundred thousand discs and that he had been robbed.

In 1972 Faycal launched the first club of Accra, Napoleon. The youth of the city came in droves. Two years later, Faycal opened a eight tracks studio, the first independant studio in Ghana. All the groups of the country passed thru his place. And the hour of triumph: Fela and his tribe came to record at his place their disc Black President.

Give me the means and you will see, an irritated Faycal says. Tens of Ghanean groups await only one thing: to use the material of the modern studios. How do you want to capture twenty-five percussions with one eight-track? Let us get accustomed with the techniques, then we'll make sparks!

Tzing! A clash of cymbals and a large man climb on the stage snapping fingers. The whole orchestra bursts of laughing. This takes place at the Tank, one of the twenty live clubs in Accra. The large man breathes some overshrill notes in a flute. He's the Ghana State Minister For Petrol.

Light as a young man, the minister jumps, howls Padapapa! Dad! and starts up a long tirade. The drum follows it, quiet, then more nervously. A guy in a fedora hat joins up on percussions. In the small room the crowd rises and start elbowing one another. Pulled by frenzy, I begin to beat on the bar. Small, my buddy and guide in Accra The Insane, offers me a small pure grass joint while bursting out laughing.

The minister plays every Sunday here. Does Mitterrand do the same back home ?

Half of the musicians form part of the group which recorded with Eno. This evening they will play of the jazz , they improvise, it is madness, fun. Tomorrow they will play reggae or disco music in a club or a dance hall in the open air. Accra does not sleep after midnight. On weekend, one can easily find about fifty places to have fun. That's without counting the crossroads and buildings yards where three congas can assemble a whole district. It is not Abidjan, nor Lagos, the large capitals of West Africa, but Accra has also its hot nights and its exhausted early mornings.

Osei Tutu, the trumpet player, tells me of the weeks spent with Eno.

Oooooh! We never worked so much! We were in the studio every day, in the morning and the afternoon! He made each musician play solos and improvisations of percussion. And then he made us slow down the tempos, break up the rhythms, still slow down. He sought to understand the rhythms and he had trouble with this. At the end of one week, he discovered ompe, the elementary pulse:

Osei strikes a slow three part beat in his hands, with a light acceleration in the middle.

That's the rhythm which he liked over all. Tap! Tap! Tap! He listened to it for hours at a time. Tap! Tap! Tap!

Why that one?

I do not know. It is the simplest beat. Here, everyone knows it, it accompanies the love chants. Eno was thrown into a panic a little by the faster rhythms. He found them too African. Ompe, he called the open beat.

I think I understand. I imagine Eno breaking up the rhythms like an insane physicist breaking the core of an atom, to unearth quarks and gluons, the particles essential to all recombining.

It is stronger than him, it is necessary that Eno to putter about. In a African rhythm one cannot slip anything between ten tangled up percussions. The machine rotates by its will. Eno wanted to enter at all costs. The open beat, finally, lets itself be handled. Eno grafts a blow of echo there, a beat moreover, one guitar riff, an unforeseen melody... Eno believes in the virtue of musical fission, the explosion of the forms. To crack the rhythmic molecules and to generate a new chemistry.

He left satisfied. The Ghanean musicians lengthily questioned themselves. This story of open rhythms ... it kept playing in their minds. Will this seed grow? Everyone says that the African music one day will break open the Western world. It would be justice, when one thinks about all that the modern popular musics owe Africa. But missing are the few nuances that will make it rock out of a closed universe. As for the reggae which learned how to use electronics.

New York, September 1981.

Hello, I would like to speak with Brian Eno.

To whom ? You're mistaken.

But no, he lived here last year... he left his telephone number?

No. Your buddy must be in hiding.

I call David Byrne. He does not have the number: I've not seen Brian for months.

From Jon Hassell, same story: Eno is in one of his incommunicado phases. No more interviews, no more dispersion. It is like that each time he works on his music.

Too bad. It does not matter. I have the impression that for Eno, the African episode is closed. He played, he crafted bits of Africa in his American studio, then he made the great dive over there and now he's gone on to another thing. In a few years, perhaps the African itching will return to him. He will think of all that and will invent new angles of attack.

Strange as the three primitive futurists shifted towards different courses, very quickly, in one year. Typical of the meetings that Eno likes to cause. A shock of opposites, intense and short, which modifies the trajectory of each one. And then good wind.

Ten o'clock in the evening. David Byrne is ringing at my door and suddenly he pouts. He contemplates my souk demolished beds, opened bags, cassettes, books, ashtrays, vodka... This half of apartment was used all summer as NY HQ for several journalists from ACTUEL. Suddenly, I feel a little ashamed. And then shit!

Stops making that face. Think of your pad before you become rock'n'roll star, David utters a small dry laugh and answers nothing else. Not the king of talkers. But he likes us since, precisely, we suffer him gladly, we amuse him it, we make him drunk with information. Byrne soaks it like a sponge. Then filters it all.

A year later he has become even more courteous, distant and polished. The hair cut to the millimetre, the manucured nails, flannel gray creaseless flannels. With him, a small brown-haired woman, in a black tailored suit, looking withdrawn, slightly cantankerous.

Oh come on, don't worry, we're not remaining here, we're dining with friends, in a large loft with white bricks.

Once there, things get better. David did not want to eat and then lets himself be tempted to try the creole rice and the wine.

This almost morbid introvert starts to smile and to whisper some sentences.

Sadly, no, I didn't get to Africa. No time. Too many urgent projects. The B52's asked me to rework their disc, because they were turning in circles. They wanted me to blacken them and that I funkicise them.

And now I'm composing ballet music for Twyla.

He points to the girl in black. Twyla Harp, a pioneer of the avantgarde, one of names of the contemporary dance in America. Up to now, she had rather worked with serious composers. And I have the impression that each day Byrne sees himself more and more as a serious composer.

I do not leave my studio any more. I am there, morning to evening, six days per week. It is necessary to do things fully.

And Talking Heads, it is rumoured that they were going to separate. The others were seemingly furious about the fuss over you and Eno without never any mention of them.

We have not seen each other for six months but we soon will meet to record. In my opinion, we will set out again in a completely different direction.

What?

I do not have the least idea .

What do you listening to?

Noises...

He slips a cassette into my walkman: one hour and half of frog croakings. He recorded them in Bali and listens to it non stop. At the end of a few minutes, these small beasts seem to play a repetitive, unforeseeable and hypnotic music.

No discs? No concerts?

I haven't gone out in months. I do not listen to anything. Any good stuff out ?

I try to involve him to see the group of rock'n'roll about whom New York is talking Liquid Liquid who arrange with some drums a zigzaging pulsations, at the same time funk, voodoo, Latin, African...

David and Twyla leave. They're working early tomorrow morning. A serious composer avoids dispersion, he concentrates on his own ideas. With the risk of missing air.

Blip! Blip! Blip! Blip!

Ah, fuck. I try to make an appointment on the phone with Jon Hassell and from my opened window rises a repugnant electronic squealing. Hassell laughs: Hey, it is the end of the world at your house?

I do not know, a type of alarm siren which must have gotstuck...

Ah, that's much better. I was afraid that it was the latest NY punk hit!

I arrive at his place in full five o'clock traffic. Appalling those traffic jams on a large avenue in New York, on a summer day. I am dripping with sweat, dirty and my ears are ringing.

Hassell opens the door and suddenly, I feel the calm of Tibet high plateaux. Immense ceiling, walls of white enameled bricks, cushions on the floor, Indian percussions on a carpet. A puppy munches raw carrots. Hassell serves us Perrier, lemon and kiwis.

Do you want to listen to the test pressing of the new disc? Please don't feel obliged. I will not be upset...

He seems to float on a cloud of good mood. Aside from that, shaven, and with hollow cheeks, he looks more and more like a bronze. His disc is similar to its predecessors, it has the same refreshing virtues as the Fourth World album he co-created last year with Eno. The percussions clatter, the melody penetrates with the graces of Siamese cat. The air of the room becomes lighter and luminous. No other music in the world makes this effect.

Hassell lends me a bundle of photocopies.

Dream therory in Malaya: I found this article in a review of ethnology and I made a disc of it. At Senoi, in the island of Malaya, every morning, each one tells his dreams and they discuss these for the hours as if they had really happened. Result, Senoi are the most relaxed people in the world! Listen to these lappings, they were recorded in Malaya: a tribe bathes in a river and strikes the water with a the dish in the hand, in rhythm . I cut out fragments of these water percussions , I assembled them in a loop and that gives the rhythmic structure on several pieces. All the disc resolves around these two topics, the dreams and moving water.

I imagine a ballet of elves on this incredily soothing balancing. I tell him about David Byrne and Twyla Harp.

David invited me to the studio but I refused. I do not want to be considered for life as the Talking Heads studio musician . And this music, I should have done it.

Why?

I'm a composer! I was happy to work for a moment with David and Eno but, all things considered, I do not have anything to do in rock'n'roll. I am a traditional composer. And I finally believe to have found the definition of classicism: systematic treatment of a restricted number of elements... Ah, shit, I can be such a pain ... Excuse me. I should be stopped. Look, when I knew that you were coming, I quickly wrote this longwinded speech ...

I summarize: There are multiple manners of combining Western contributions and exotic . One can juxtapose, superimpose, glue together... I chose to use musical textures, Eastern or African, like the figures on a template (an accessory for draughtsman, a plate of figure sifted of geometrical slits, halfcircles, spirals or logarithmic curves). The pencil follows the layout exactly, just as the recording reproduces the musical fragment exactly.

My work then consists in mixing these various structures. It is a methodical approach, a system to create a new language. The avantgarde composers are satisfied to import and to tie up a new packing. And the pop musicians pin tourist memories on their walls.

So to David Byrne.

One year later, the project of the primitive futurists takes shape much more clearly. Two extremes. Hassell works in a closed vase, on laboratory specimens, he forges rigorous concepts. Eno has more volatile ideas but he quickly harness them on public ground. Hassell respects the traditional forms scrupulously, he still continues to learn as a studious pupil, all the subtleties of Indian ragas. Perhaps Eno contributes to the blossoming of new expressions in Africa. Hassell works rather for the Westerners. He wants to live in Europe.

America is too empty. I want to move to France at the beginning of the next year. What do you think of Mitterrand? It's a major change, isn't it?

And then, you know what? I am passionately in love. But the girl lives here with another man. It is essential that I take her along to France. At this moment, I do not touch ground anymore. I've never been so in love in all my life! This gives me incredible energy. The girl, she's Chinese, she was born in New York, she carries the two cultures in herself, I am completely fascinated by it. You will see, I will move mountains!


By Frederic Joignot and JeanPierre Lentin / Published in ACTUEL December 1981